Les enfants des premiers chrétiens et leur conversion

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Je comptais résumer ce matin les méthodes d’évangélisation des premiers chrétiens. Mais je suis tombé sur un os dans l’autrement excellent livre de Michael Green: L’évangélisation dans l’église primitive. Le résumé devra attendre. Comme c’est un livre majeur et que tout le monde me le conseille depuis des années, j’ai préféré argumenter avec l’auteur. Je vous partage ici mes notes.

Le christianisme du premier siècle et les enfants

On n’a pas beaucoup de données sur l’influence au premier siècle des foyers chrétiens sur les enfants. Mais il semble clair que beaucoup de chrétiens estimaient que les enfants pouvaient aussi devenir disciples de Jésus. Par exemple, Justin Martyr disait: “Nombre d’hommes et de femmes de soixante à septante ans ont été disciples de Christ depuis leur enfance.” (264)

Par contre Green va trop loin, sans doute poussé par une théologie pedobaptiste. Il conclut à tort:

Aucun de ces textes ne laisse entendre qu’une évangélisation directe est nécessaire ou souhaitable dans le cadre de foyers chrétiens. De fait, les enfants de chrétiens semblent être considérés comme faisant déjà partie de la communauté chrétienne, à moins qu’ils ne s’en soient écartés volontairement. Ils partagent la même condition que les enfants de prosélytes du judaïsme qui participaient sans autre à l’alliance, à moins qu’ils ne choisissent de s’en retrancher. Même en cas d’écart, il n’apparaît pas que les enfants des croyants doivent passer par la conversion dans le sens examiné au chapitre 6. Ils doivent plutôt être corrigés par leurs parents et ramenés sur le chemin de la foi dont ils s’étaient écartés. Selon toute évidence, l’Église primitive prit très au sérieux les paroles du Seigneur qui déclarait que le royaume de Dieu appartenait aux enfants. » (266)

Il y a au moins deux erreurs dans la conclusion de Green.

Erreur n°1: un argument tirée du silence

Première erreur, il semble au mieux tirer un argument du silence, au pire tordre ses sources. Car aucune des sources qu’il cite n’affirme que la conversion n’était pas nécessaire. Moi, j’ai plutôt été frappé qu’aucun des témoignages cités ressemble aux réponses typiques aujourd’hui à la question: Comment es-tu devenu chrétien? où on nous dit: “Je le suis depuis toujours, car je suis né dans une famille catholique/protestante/orthodoxe.”

Au contraire, Green cite deux martyrs (Paeon et Euelpistus) à qui l’on demande pourquoi ils sont chrétiens. Paeon répond, “C’est de nos parents que nous avons reçu cette bonne confession.” et Euelpistus dit, “Certes, j’ai appris beaucoup de Justin, mais mes parents eux aussi m’enseignèrent à être chrétien.” Pas de notion de “je suis né chrétien”, il y a des notions de réception et d’enseignement.

De plus Tertullien (environ 150–220 ap. J-C.) n’est pas cité dans cette section par Green: “On ne naît pas chrétien, on le devient.” (Apol. XVIII) N’a-t-on pas là une affirmation claire du besoin de conversion? Green cite cela dans son chapitre sur la conversion, mais ici ne le prend pas en compte pour le salut des enfants, alors qu’il dit avoir peu de données sur le sujet. De même Ignace d’Antioche disait: “Il ne suffit pas de porter le nom de chrétien, il faut aussi l’être” (Lettre Magn. 4.).

Enfin, dans les exemples de foyers chrétiens qu’il donne ensuite, il dit qu’Hermas ne considère pas sa famille comme inconvertie, “mais plutôt déchue de sa profession de foi et appelée à la discipline, à l’encouragement et à un enseignement au sujet de la vie chrétienne. C’est dans ce sens qu’Hermas se voit confier la conversion des siens.” Oui, mais Hermas utilise bien le terme de conversion et il dit “Ne cesse donc pas de reprendre tes enfants, car je sais que s’ils font pénitence du fond de leur cœur, ils seront inscrits sur les livres de la vie, avec les saints.” (267) Il y a bien une condition “la repentance” et un résultat “ils seront inscrits dans le livre de la vie”.

Erreur n°2: une citation biblique hors contexte

Deuxième erreur, et là je suis encore plus catégorique que pour la première erreur, il cite hors de contexte l’affirmation de Jésus que le royaume de Dieu appartient aux enfants.

Regardons les trois passages parallèles de cette histoire:

Matthieu 19.13–15 (Colombe, gras ajoutés):

Alors des gens lui amenèrent des petits enfants, afin qu’il leur impose les mains et prie (pour eux). Mais les disciples leur firent des reproches. Et Jésus dit: Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le royaume des cieux est pour leurs pareils. Il leur imposa les mains et partit de là.

Marc 10.13–16 (Colombe, gras ajoutés):

Des gens lui amenèrent des petits enfants pour qu’il les touche. Mais les disciples leur firent des reproches. Jésus, en le voyant, fut indigné et leur dit: Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est pour leurs pareils. En vérité, je vous le dis, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera point. Puis il les embrassa et les bénit, en leur imposant les mains.

Luc 18.15–17 (Colombe, gras ajoutés):

Des gens lui apportaient même les nouveau-nés pour qu’il les touche. Mais les disciples en voyant cela leur faisaient des reproches. Et Jésus les fit appeler et dit: Laissez venir à moi les petits enfants et ne les en empêchez pas; car le royaume de Dieu est pour leurs pareils. En vérité je vous le dis, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera point.

Si on lit les trois passages parallèles, deux choses sautent aux yeux:

  1. Jésus ne dit pas que le royaume de Dieu appartient aux enfants, mais à ceux qui sont comme eux. C’est pourquoi la Segond 1910, la S21 et la Semeur traduisent “ceux qui leur ressemblent” et la TOB et la NBS disent “ceux qui sont comme eux”. Déjà là, Green a cité hors contexte les paroles de Jésus.
  2. La phrase suivante (dans Marc et Luc) montre bien que Jésus se sert des enfants comme illustration de l’attitude à avoir au sujet du Royaume de Dieu (“comme un petit enfant”).

Je retire surtout un encouragement du sujet. L’église primitive considérait les enfants comme étant pleinement capables d’être des disciples de Jésus (cf. la citation de Justin Martyr cité plus haut). Et contrairement à Green, bien qu’il soit expert, je lis différemment les sources qu’il cite: les enfants sont pleinement capables de se convertir à la foi chrétienne et le doivent, car “On ne naît pas chrétien, on le devient”!

PS: Le livre de Michael Green n’existe plus en français. Mais vous pouvez toujours vous le procurer en anglais: Evangelism in the Early Church.

Stéphane Kapitaniuk

Pécheur et disciple sauvé par la mort de Jésus à ma place. Mari de Hanna, papa de Noah (8 ans), Théa (3 ans), Marie (1 an). Pasteur de formation et directeur général de BLF Éditions depuis 2021. J’aime bien lancer de nouvelles initiatives. Découvrez BLFKids.com, un projet spécial parents, ainsi que BLFAudio.com, la première librairie chrétienne de livres audio. Avec Hanna, nous avons aussi fondé ChezCarpus.com, la première librairie chrétienne de livres d’occasion. Je propose également plusieurs formations créées pour le logiciel biblique Logos.

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